Tribune : Un appel de parlementaires français contre les bombardements de civils (La Croix)
Avec 84 collègues parlementaires, nous publions aujourd’hui une tribune dans La Croix soutenant la campagne d’Handicap International afin que la France prenne part au processus d’élaboration d’une déclaration politique internationale contre les bombardements des civils.
Retrouvez-en le texte ci-dessous ou bien sur le site de La Croix :
Nous, parlementaires de divers horizons politiques, appelons à une large mobilisation afin de soutenir l’action d’Handicap International dans la lutte contre les bombardements des civils. La France ne peut rester silencieuse face aux drames humains qui se jouent. Elle doit être pleinement partie prenante des discussions qui se tiennent au niveau international s’agissant de mettre fin aux bombardements des civils partout dans le monde.
En 2017, chaque jour dans le monde, 90 civils ont été tués ou blessés par une arme explosive. Les conséquences sont graves, parfois irréversibles : les armes explosives tuent, provoquent des blessures sévères (brûlures, amputations, fractures complexes, etc.), génèrent des handicaps et des traumatismes psychologiques durables. Les habitants sont forcés de se déplacer pour échapper aux bombardements et tirs, contraints de laisser derrière eux leurs biens et leurs maisons. Les armes explosives détruisent sur leur passage les infrastructures essentielles telles que les habitations, les écoles ou les hôpitaux. Une fois le conflit terminé, les conséquences dévastatrices et pérennes de l’utilisation de ces armes rendent périlleux le retour des populations dans leurs quartiers : les civils sont alors exposés au danger des armes qui n’ont pas explosé lors de l’impact, communément appelées « restes explosifs de guerre» en vertu, notamment, du Protocole V à la Convention sur certaines armes classiques.
Aujourd’hui, dans le monde, 61 pays sont contaminés par des mines et autres restes explosifs de guerre qui peuvent rester actifs plusieurs décennies après les conflits. Ils entravent la reconstruction, rendent dangereux l’accès aux champs et aux services et maintiennent ainsi les pays et leurs populations dans la pauvreté et le dénuement les plus graves.
Pourtant, soumis à leurs obligations de Droit International Humanitaire, les belligérants doivent protéger les personnes civiles et les bâtiments publics. Toute opération dans le cadre d’un conflit armé doit être menée dans le respect du principe de distinction entre civils et combattants.
Or, lorsque 92% des victimes d’armes explosives en zones peuplées sont des civils, est-il possible de les qualifier de dommages collatéraux ? En Irak, Syrie, au Yémen, dans les conflits actuels, le Droit International Humanitaire est régulièrement bafoué. Les villes devenues des théâtres d’opérations, sont bombardées sans distinction.
Mais alors que les conflits armés se sont considérablement intensifiés dans les villes les plus densément peuplées, la mobilisation de la communauté internationale s’est réduite à la condamnation publique, bombardement après bombardement, de ces pratiques intolérables. À portée de volonté politique, les États ont pourtant les moyens d’agir ! NOUS avons les moyens d’agir. Aujourd’hui, 12 États travaillent à l’élaboration d’une déclaration politique contre les bombardements en zones peuplées, soutenue par António Guterres, Secrétaire Général des Nations Unies. La France a toute sa place dans le processus d’élaboration de cette déclaration politique internationale et doit donc y prendre part. Au moment où Paris accueillera, en novembre prochain, un Forum International pour la Paix, nous, parlementaires, appelons la France à rejoindre le processus politique en cours. Membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, notre pays ne peut rester indifférent aux multiples transgressions du Droit International Humanitaire conformément aux engagements pris lors de la nouvelle stratégie humanitaire 2018-2022 de la France.
Il est de notre rôle de parlementaires de rappeler, sans cesse, la nécessité impérieuse d’être conscients, de ne pas accepter le fatalisme et de faire preuve de réalisme. Il est de notre devoir de ne jamais accepter l’indifférence avec pour corollaire toutes les raisons qui pourraient la justifier. Cet appel, au-delà de notre volonté ferme et sans faille d’une France qui agit pour la protection des populations civiles, est une invitation à l’empathie comme à l’indignation, pour créer et consolider un front de refus face à ces drames humains qui se perpétuent à huis-clos.