Tribune : « Faire des centres d’appels un levier d’inclusion sociale et de développement économique » (Le Monde)
Retrouvez ci-dessous la tribune que j’ai co-signée avec de nombreux élus et responsables de la société civile. Nous appelons à travailler ensemble pour faire du secteur des centres d’appels, en pleine mutation, un levier d’inclusion sociale et de développement économique pouvant profiter à ses parties prenantes comme à l’ensemble de la société. Cette tribune est également consultable directement sur le site du Monde :
Il faut « faire des centres d’appels un levier d’inclusion sociale et de développement économique »
Quel secteur de l’économie française pèse aujourd’hui 264 000 emplois, occupe près de 1 % de la population active française et peut perdre plus de 20 000 postes de travail en une seule année (« International Customer Contact Benchmark 2016 ») ? Quel secteur connaît, au nom d’un dumping social sans fin, des délocalisations croissantes menaçant, à terme, son existence même ?
Il s’agit du secteur des centres d’appels, qui, de la télévente au service après-vente, est devenu un élément indispensable de la stratégie commerciale et de relation client des entreprises.
Des situations de chômage préjudiciables
Ce secteur existe au quotidien à travers toutes ces voix qui nous répondent (ou parfois nous démarchent) et nous délivrent informations et services. Il recouvre 3 500 centres de contacts en France, disséminés en interne au sein des organisations ou « externalisés » chez leurs prestataires spécialisés. Il emploie de nombreux jeunes, une majorité de femmes et facilite l’accès à l’emploi tout en devant satisfaire à une exigence croissante de formation. Ces plateaux d’appels se trouvent partout en France, souvent dans des bassins d’emplois fragilisés et en ayant bénéficié de l’investissement des collectivités.
Le secteur voit régulièrement augmenter le nombre d’emplois délocalisés ou directement créés hors du territoire, au nom d’une double logique de réduction des coûts et de recherche d’une flexibilité accrue. Ces « gains » sont à relativiser grandement car les délocalisations possèdent de nombreux coûts cachés : formation, conformité, contrôle qualité, sécurité, etc.
Par ailleurs, ces délocalisations génèrent des situations de chômage préjudiciables, aussi bien aux individus concernés et à leurs familles qu’aux territoires concernés et à l’ensemble de la collectivité qui doit en supporter le coût social et économique. De plus, la qualité de service liée à la relation client s’en trouve fortement dégradée. Ce qui porte atteinte à l’image et à la réputation des entreprises, diminuant ainsi leur capital immatériel en ayant, à moyen terme, un impact sur leur potentiel commercial et leurs résultats.
Un levier de promotion
Dans un contexte de chômage de masse persistant, de territoires fragilisés en matière d’emplois et d’activité mais aussi de responsabilisation grandissante de tous les acteurs, nous pensons que l’heure d’une mobilisation générale est venue ! Le secteur des centres d’appels peut constituer un levier décisif dans l’indispensable lutte contre toutes les formes de relégation. Parce qu’il facilite l’accès à l’emploi des populations locales en ne faisant pas d’une qualification préalable un obstacle. Parce qu’il forme et professionnalise. Mais aussi parce que, confronté à la numérisation de la relation client, il permet une montée en compétences adaptée à l’innovation et créatrice d’emplois à valeur ajoutée.
Si rien n’est fait, si les délocalisations deviennent la règle, si, par ailleurs, la formation, les conditions de travail et les perspectives professionnelles ne sont pas optimisées, si l’amélioration de la qualité du service apporté ne devient pas plus importante que la seule réduction du coût minute, alors le prix à payer sera triple. Il sera social avec la perte des emplois, politique en précipitant les « perdants » de la mondialisation dans les bras des populistes, et économique, enfin, avec des organisations dont l’image sera abîmée de manière proportionnelle à l’insatisfaction de leurs clients et usagers.
Nous saluons la mobilisation de certains élus qui, dans le cadre de l’examen de la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), font de ces enjeux un sujet digne du débat public. Une obligation d’information, visant à obliger toute entreprise ou organisation utilisant un centre d’appels à informer ses correspondants téléphoniques sur le ou les pays d’implantation desdits centres, est notamment en discussion.
Cette information pourrait permettre aux utilisateurs d’intégrer le critère de localisation dans le choix éventuel de leur fournisseur de biens ou de services. Elle pourrait aussi permettre aux entreprises faisant le choix d’opérer leur service de relation client en France d’utiliser leur engagement en faveur de l’emploi comme un levier de promotion de leur image auprès des utilisateurs et des consommateurs. L’objectif n’étant pas de stigmatiser les salariés opérant des pays étrangers mais de partager les emplois selon des critères de valeur ajoutée et de trouver des clés de répartition qui ne soient pas contraires aux objectifs légitimes de codéveloppement.
Un diagnostic et des actions
Pour autant, nous refusons le cynisme de ceux qui maquillent le dumping social sous les oripeaux du développement international et nous récusons la vraie ou fausse naïveté du « laisser-faire laisser-aller » qui enkyste le chômage et assigne à résidence, dans des territoires perdus, les moins armés pour la compétition internationale.
Nous devons et nous pouvons agir ! Nous voulons travailler ensemble à faire de ce secteur un levier d’inclusion sociale et de développement économique, pouvant profiter à ses parties prenantes comme à l’ensemble de la société. Le « protocole italien » constitue pour nous une intéressante base de travail. En mai 2017, treize grandes entreprises opérant en Italie ont ainsi signé un code de bonne conduite qui a permis de fixer un seuil maximal de délocalisation des activités de relation client. Il a conduit à une forte (re)localisation des emplois, il a garanti les différents critères de la qualité de service et il a engagé ses signataires au mieux-disant en matière de protection sociale.
Elus, entrepreneurs, salariés, experts, nous ne voulons plus nous satisfaire de réponses qui soulignent toutes la légitimité de notre engagement mais remettent toujours à demain le travail concret sur les enjeux du secteur. Nous créons un collectif inédit, ouvert à tous les acteurs concernés. Notre feuille de route est claire et opérationnelle : établir dans les six mois qui viennent un diagnostic partagé et proposer puis mettre en œuvre un ensemble d’actions favorables à la croissance du secteur, renforçant son attractivité et garantissant le plus haut niveau possible d’emploi dans nos territoires.
Parce que nous croyons à la force de l’intelligence collective, à la pertinence des solutions construites au plus près du terrain et à une responsabilité synonyme de création de richesse sociale et économique, nous invitons tous les acteurs partageant nos valeurs à nous rejoindre et à venir enrichir notre travail !